Autant on ne sait pas pourquoi les gens qui passent tout droit ne s’arrêtent pas, autant on ne connaît pas les motifs de ceux qui s’arrêtent. Avec notre premier lift, un couple d’allemands à la retraite, on s’est arrêté pour se baigner dans un hot pot nowhere sur le bord de la route, au fond d’un fjord. Plus tard, comme dans un rêve, on s’est fait embarquer par deux autres allemands mais plus hippie avec un westfalia jaune serin, somptueusement peint jaune et brun à l’intérieur. Puis, comme dans un cauchemar, ils nous ont débarqué 10 km plus loin, parce qu’on était trop lourde avec nos sacs pour leur VW 50 hp. Au milieu de nulle part, sur un chemin de garnotte en train d’être re-garnotté, on s’est fait sauver par un jeune lituanien thanatologue et volubile et sa blonde blonde de six pieds très sympathique, avec qui l’on s’est arrêté plusieurs fois pour photographier le paysage.
La dernière ride de cette journée interminable était certainement la plus étrange de toutes. Après presque deux heures d’attente et sûrement moins de vingt voitures passées, une minuscule firefly passablement chargée s’arrête! Un grand homme en sort et commence à tasser ses choses pour nous faire une place. Ce monsieur, avec une fascinante ressemblance à Steve Buscemi (surtout au personnage de Seymour dans Ghost World, malaise compris), étrange mais très gentil, enseigne l’ingénierie maritime, publie une sorte d’almanach maritime et a un bateau de pêche. Il faisait son voyage annuel autour de l’Islande pour mettre son livre à jour. Il nous a pratiquement fait un cours de géographie et de culture islandaise en accéléré. Il était très cultivé, hyper intéressant à écouter. Ses histoires étaient discrètement parsemées de ses opinions sur son pays. Nous n’avons jamais compris où il allait vraiment mais il est venu nous porter à destination, à notre hostel à Isafjorur. Lorsqu’il a débarqué nos sacs, il nous a regardé un moment et a dit, d’un air austère : «Vous savez, vous faites les mêmes erreurs que tous les autres voyageurs. Vous avez trop de bagages et pas assez d’argent». Il nous a salué de façon expéditive et est reparti. Alors que nous étions dans notre chambre, la réceptionniste est venue cogner à notre porte. Jòn (je crois que c’est son nom) venait de repasser porter les gants que j’avais oubliés dans sa voiture.
L’homme à la phrase bizarre me hante encore. Je n’arrive pas à décoder le sens de son message. J’ai beaucoup réfléchi à mes bagages et je trouve que j’ai plutôt réussi à voyager léger cette fois-ci. Et l’argent…on en a jamais assez, surtout en Islande. Mais faire du pouce dans les Westfjords n’était pas réellement une question d’argent en plus…Il y avait une forme de déception dans sa façon de le dire. Peut-être que c’est sa façon d’être en général. Il était si plié dans sa petite voiture (son 4x4 était brisé qu’il nous a dit), ça avait quelque chose de pathétique mais d'affranchi à la fois. Peut-être qu’il parlait de lui dans le fond, puisqu’on ne parle toujours que de nous-même.
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