Le nord de l’Islande se targue d’être l’endroit numéro un pour observer les baleines en Europe. Comme pour la région de Tadoussac, on retrouve toute la publicité d’usage, avec les baleines à bosses qui sautent hors de l’eau et agitent leur énorme queue sous l’œil émerveillé des touristes, que photoshop a permis de rapprocher à quelques dizaines de pieds de l’animal. Je crois que certains graphistes oublient que les brochures contiennent parfois des informations sur la flotte de l’entreprise, telle que la longueur du bateau. Ça donne lieu à quelques incohérences un peu grossières (qu’une baleine de 18 m qui sort au trois quarts de l’eau mais qui ne fait que le tiers de la longueur du bateau de 15 m) mais bon, comme le reste, c’est pour vendre du rêve, parce qu’on attire pas les mouches avec des dos de petits rorquals. Enfin, après avoir vu beaucoup de baleines quand j’étais sur le voilier en route vers les îles l’an dernier, je me suis dit que les baleines islandaises ne seraient pas choquées d’avoir à faire une pirouette de moins si j’étais pas là pour les voir.
Donc, j’ai pas vu de baleine vivante. Je ne sais pas si c’est une chance, mais en tout cas, j’ai eu l’occasion d’en voir une morte. En fait, c’était un dauphin à bec blanc. Isa est venue me réveiller lundi matin en criant, «ils ont pêchés un requin!!!». Je me suis habillée en vitesse et je suis descendue au quai. En approchant de la bête et en regardant sa silhouette (ce qui en restait), j’ai vu que c’était un dauphin. Il s’était pris dans les filets des pêcheurs et apparemment, ils n’ont pas le choix de le tuer quand ça arrive, soit une ou deux fois par année. Quand on m’a expliqué ça, j’ai tout de suite revu la scène de La grenouille et la baleine où Daphné plonge tout habillée dans le golfe pour aller sauver sa baleine prise dans les filets. J’ai tellement rêvé longtemps d’être comme elle, de pouvoir entendre plus que les autres. Maintenant j’ai la preuve, je n’ai pas ses oreilles bioniques parce que je n’ai rien entendu, ni les cris du dauphin prisonnier, ni le coup de fusil qui l’a tué, ni le moteur du bateau revenu ou les cinq hommes qui ont chargé la bête sur le quai. Moi, pendant que tout ça arrivait, je dormais dans un sommeil profond, assourdi par le cri des sternes surexcitées de voir le buffet de viande qui s’amenait vers eux.
Quand je suis arrivée sur place, la moitié de la bête était déjà ouverte et dépecée, la viande reposait déjà sur la glace. Le pêcheur tranchait la peau épaisse rapidement et avec agilité, si bien, qu’Isa avait des doutes sur la réelle fréquence de ce genre d’accident. Enfin, je est resté là à regarder, à la fois fascinée et dégoûtée par le spectacle. J’ai pris beaucoup de photos et Isa a fait un vidéo, c’était tellement incroyable comme truc que j’arrivais pas à tout l’assimiler d’un coup. Ils ont fait deux grandes incisions, le long de la colonne et ensuite, de chaque côté ils sont découpé en trois partie la peau épaisse, semblable à du caoutchouc. Il y avait beaucoup de sang. Ce n’est pas ça qui m’a écœuré. C’est plutôt un petit garçon en coton ouaté bleu, joufflu et trop vieux pour être encore mignon. Il tournait avec excitation autour de l’animal, comme un chasseur fier de sa proie. Puis, il m’a écarté et comme s’il voulait absolument faire partie de la scène, il a posé son pied sur la tête de la bête. J’ai roulé des yeux d’exaspération et j’ai détourné le regard de son vieux running shoe de petit joufflu pour voir la seule partie encore intacte du dauphin qui, malgré une coulisse de sang qui frôlait son oeil et une autre, dégoulinant de sa bouche entrouverte, semblait toujours sourire.
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